Les clauses de règlement amiable dans les contrats d’architecte …

Les contrats conclus avec les architectes comportent fréquemment des clauses imposant aux parties, en cas de conflit, de saisir le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes pour avis avant d’être en droit de saisir le Juge.

Les enjeux de telles clauses sont significatifs.

Positivement, ces clauses donnent une chance au règlement amiable du différend dans des délais souvent brefs et satisfaisant pour les parties, avec en l’occurrence des coûts moindres (notamment en évitant des interruptions de chantiers).

Négativement, les enjeux d’une telle clause tiennent surtout à des pertes de temps et parfois de ses droits en cas de non-respect des obligations qu’elle impose : autrement dit lorsque l’on a omis de la considérer comme une chance et de la mettre en œuvre.

La Cour de Cassation a, au cours de ces dix dernières années, précisé le régime juridique de ces clauses, spécifiquement en matière d’architecture, avec une volonté affirmée de donner sa chance au règlement amiable.

Ce régime juridique est identique quelle que soit le processus amiable que la clause met en œuvre : médiation, conciliation, procédure participative, pourvu que la clause permette de connaître la procédure à suivre (Cassation 29/04/2014).

  1. Principe d’irrecevabilité

La Cour de Cassation s’est dans un premier temps attachée à reconnaitre que l’obligation faite aux parties de saisir pour avis le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes avant de saisir un tribunal, constitue un préalable obligatoire, que les parties doivent respecter.

La saisine du tribunal, malgré ce préalable obligatoire rend l’action en justice irrecevable, ce qui signifie que le magistrat n’est pas en droit de vérifier le bienfondé des réclamations des parties.

Dans une décision importante du 12 décembre 2014, la Chambre Mixte de la Cour de Cassation est venue préciser que cette irrecevabilité n’était pas susceptible d’être régularisée en cours de procès ; il n’est donc pas possible en cours de procès de saisir le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes afin qu’il émette l’avis prévu par le contrat.

La portée de cette décision est considérable, puisqu’une partie peut perdre de nombreux mois et années dans un procès voué à l’échec, et parfois purement et simplement le droit qu’elle voulait faire valoir lorsqu’il est éteint par prescription.

Par un arrêt récent du 16 novembre 2017, la Cour de Cassation est venue préciser que cette irrecevabilité pouvait également être invoquée par l’architecte lorsque celui-ci est appelé en garantie dans le cadre d’un procès en cours.

  1. Vérification nécessaire du champ d’application de la clause

Pour autant, cette irrecevabilité n’est pas systématiquement retenue par les tribunaux, la Cour de Cassation leur imposant de vérifier ce que les parties ont voulu exactement (champ d’application de la clause).

Ainsi, la Cour de Cassation a pu considérer que la procédure était recevable, alors que la clause de saisine préalable du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes pour avis n’avait été rendue obligatoire que pour un certain type d’actions en justice alors que l’action engagée était d’une autre nature. (Cassation, 23 mai 2007).

De même, la Cour de Cassation a considéré, qu’en l’absence de mention expresse dans la clause, les actions en justice en référé-expertise, avant tout procès sur le fond, restaient recevables, nonobstant la présence d’une telle clause dans le contrat (Cassation, 28 mars 2007).

Adoptant une position de fermeté, la Cour de Cassation déclare irrecevables les actions en justice engagées après saisine du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes, lorsque ce n’est pas le Conseil Régional compétent au terme de la clause qui a été saisi pour avis.

Ainsi, lorsque la clause précise qu’il convient de saisir le Conseil Régional dont relève l’architecte, la Cour de Cassation estime qu’il convient de saisir le Conseil Régional auprès duquel l’architecte est inscrit (Cassation, 18 décembre 2013).

De même, cette clause est opposable lorsqu’une des parties au litige est subrogée dans les droits d’un des cocontractants et agit ainsi en ses lieux et place.

La partie ainsi subrogée, est tenue de respecter l’obligation de saisine préalable du Conseil Régional (Cassation, 28 avril 2011).

  1. La qualification de la clause

a)

Il semble que la Cour de Cassation ait opté pour qualifier une telle clause qui impose de saisir une instance pour avis de clause de conciliation (Cassation, 13 juillet 2017 et 16 novembre 2017).

Cette qualification juridique est importante, dans la mesure où l’article 2238 du Code civil prévoit que : « la prescription est suspendue à compter du jour où après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation … à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation… »).

La saisine du Conseil Régional de l’Ordre des Architectes pour avis, tout en étant pas interruptive de prescription en elle-même, pourrait être susceptible de suspendre le délai de prescription de l’action, « à compter de la première réunion de conciliation ».

Pour autant, toutes difficultés ne sont pas écartées, en particulier lorsque la prescription est proche, puisqu’il faut soit que les deux parties conviennent de recourir à la conciliation après la survenance d’un litige soit la tenue d’une première réunion de conciliation pour que la saisine puisse produire son effet suspensif.

Or, il est peu probable que la partie qui n’y a pas intérêt coopère à la saisine du Conseil Régional et d’autre part, il n’est pas certain que le Conseil Régional organise une réunion avec les parties pour émettre son avis.

La saisine devrait dès lors n’avoir aucun effet suspensif, ce qui peut représenter un danger certain pour le justiciable qui attendrait le dernier moment pour agir.

Il serait utile que le législateur fasse évoluer l’article 2238 du Code civil en ne limitant pas l’effet suspensif de la prescription, au cas où les parties s’entendent pour recourir à la médiation ou à la conciliation après la survenance d’un litige, mais également en cas de mise en œuvre unilatérale d’une clause de médiation que la Cour de Cassation traite avec rigueur et sévérité.

b)

La qualification retenue par la Cour de cassation, à savoir clause de conciliation, alors qu’à aucun moment la clause n’évoque ce terme, apporte une précision sur la distinction entre conciliation et médiation.

La loi donne de la médiation et de la conciliation la même définition.

Pourquoi en ce cas ne pas avoir retenu la qualification de clause de médiation ?

Il semble que la Cour reconnaisse là une différenciation qu’opèrent les praticiens : le médiateur ne propose pas de solution et n’émet pas d’avis au contraire du conciliateur.

Pour faire de ces clauses une opportunité il est préférable de s’adosser au conseil averti d’un avocat tant pour sa rédaction que sa mise en œuvre.

Stéphane Lopez